Mais pourquoi il fait ça ?

Petit voyage dans les méandres du cerveau pour avoir un début d’explication à la question “pourquoi il fait ça ?

Bien des comportements de notre enfant (qu’il soit petit, ado et même jeune adulte - et les nôtres aussi bien sûr) peuvent s’expliquer (et je dis bien s’expliquer pas forcément s’excuser ou se justifier - je fais une grande différence entre “je comprends” et “je suis OK avec ça”, car non même si parfois je comprends, ce n’est pas pour autant que je suis OK avec le comportement) dès lors qu’on sait comment fonctionne le cerveau.

Je ne vais pas faire un cours magistral sur le cerveau : je n’ai pas la prétention d’être une spécialiste du cerveau, mais je suis curieuse et j’ai essayé de comprendre un peu mieux ce qui se passe dans notre cerveau. Donc je vais essayer d’expliquer cela simplement mais dans l’objectif (et l’espoir) de vous regarder certaines situations avec de nouvelles lunettes et peut-être avoir un début de réponse à pourquoi il fait ça (et la réponse n’est pas “pour vous embêter”). Peut-être que cela vous aidera mieux comprendre ce qui se passe dans la tête de votre enfant et les réactions qu’il peut avoir (et dont on se serait bien passé parfois). Et par ricochet peut-être que vos réactions seront modifiées, ou en tout cas votre regard sur la situation.

Le modèle des 3 cerveaux peut apporter des réponses au pourquoi il fait ça

Le modèle présentant le cerveau en 3 parties a été théorisée par McLean. Certes, elle est remise en cause par certains scientifiques (il faut dire que le sujet est complexe, et qu’on en apprend tous les jours sur le cerveau) mais pour des néophytes comme moi (et peut-être vous) elle est amplement suffisante et permet de mieux comprendre et réagir à certaines situations, d’autant qu’elle n’est pas si fausse que ça.

Notre cerveau est d’après le modèle de McLean composé de 3 parties :

le néocortex

le cerveau limbique

le cerveau reptilien

le cerveau Reptilien

C’est le plus ancien, celui qu’on partage avec les animaux. Il gère les fonctions de base : le rythme cardiaque, respirer, manger, digérer, dormir … mais c’est aussi lui qui gère notre survie dans notre environnement. Le premier étage de la pyramide de Maslow : c’est chez lui.

Il est à l’origine de tous nos mécanismes de défense primaires, de nos comportements-réflexes. Il ne peut ni évoluer par l’expérience, ni s'adapter selon les situations rencontrées. La conséquence ? Il réagit toujours de la même façon à un stimulus défini : il ne fait pas la différence entre le stress provoqué par le tigre à dents de sabres qui vous attaque et le coup de stress que vous avez parce que Duboss veut les documents dans 10 minutes et que ce n’était pas prévu.

En 2 mots, son job : notre survie !

Le cerveau limbique

Le cerveau limbique est le siège des émotions ainsi que la source de certains comportements instinctifs liés à la mémoire. Grâce à la mémorisation d’événements passés, nous pouvons adapter nos réactions à un stimulus. Chaque expérience vécue (avec une charge émotionnelle) y est imprimée. Chacune de ces expériences est évaluée et mémorisée « non-consciemment » selon un système de valeurs très simple: “est-ce bon ou mauvais pour ma survie ?”, “dans un même contexte, vais-je reproduire un comportement ou l’éviter ?”.

C’est aussi dans cette zone qu’il y a les détecteurs de danger : les amygdales. Vous voyez le principe des détecteurs de fumée dans les appartements, dès qu’il y a un peu de fumée (même si c’est parce qu’on est en train de faire la cuisine et qu’il y a un peu de fumée) ça sonne (et comme ça casse les oreilles on réagit : on ouvre les fenêtres, on arrête la cuisson des steaks ou s’il y a le feu on sort ou on se protège - bref notre réaction dépend de l’analyse de la situation) mais c’est pour prévenir qu’il y a un danger potentiel. Les amygdales c’est la même chose : elles tirent la sonnette d’alarme si elles pressentent qu’il peut y avoir un danger. L’alarme est tirée dans des situations à fortes charges émotives ou quand on a peur. Et du coup on a une réaction défensive ou émotive qui peut être assez primaire.

En résumé, le limbique vit les expériences en termes d’émotions et mémorise ce qui lui fait du bien, lui fait peur …

le Néocortex

C’est celui du haut, c’est comme si il chapeautait les autres. D’ailleurs comme un chapeau, parfois il tombe… et pouf le chapeau !

C’est le cerveau le plus élaboré, celui qui nous différencie des autres animaux.

Il sert à organiser nos actions, à analyser, à réfléchir. C’est grâce à lui qu’on arrive à se mettre à la place des autres, qu’on imagine des solutions, qu’on invente, qu’on juge et qu’on avise quoi faire.

Et sur le devant du néocortex, il y a le cortex préfrontal. Ce cortex préfrontal est un peu comme les freins sur une voiture. C’est cette partie qui gère l’inhibition, c’est elle qui met les filtres parfois nécessaires en société (imaginez si tout le monde disait tout ce qui nous passe par la tête … ce serait hmmm intéressant) et qui nous empêche de dire certaines choses, c’est aussi elle qui gère l’impulsivité, vous savez le fameux j’agis et je réfléchis après.

Un exemple ? Vous savez les yeux de Chat Potté que votre petit dernier vous fait dans le supermarché pour avoir THE paquet de bonbons qui lui fait trop envie. Et bien c’est dans cette partie du cerveau que cela se joue. Il sait que les yeux de Chat Potté marchent avec vous (mais bon qui pourrait résister ?). Donc dites-vous qu’en fait votre enfant a été capable d’organiser ses actions pour faire quelque chose (en l’occurrence là c’est plutôt réussir à vous faire faire quelque chose) : il a analysé la situation, réfléchit à la manière d’atteindre son objectif aka le paquet de bonbons et il a mis en place une stratégie, il a peut-être même anticipé votre réaction (eh oui le petit malin, il vous connaît par coeur et sait très bien ce qui marche avec vous).

Pour résumé, c’est le siège de la réflexion, c’est là aussi que se trouvent certaines fonctions exécutives (que l’on utilise dans les apprentissages), la partie qui gère le langage, l’empathie et la solidarité … Il a donc un rôle crucial.

le rapport avec la crise de junior ? pourquoi il fait ça ?

Lorsque nous vivons une émotion, c’est le reptilien qui réagit en premier, suivi de près par le limbique et parfois ils nous emmènent dans des réactions pas toujours bonnes pour nous.

Plus les émotions sont intenses plus ils sont sollicités. C’est comme si le néocortex avait quitté le navire, il est out, il s’est fait la malle. La fameux “pouf le chapeau” que j’évoquais plus haut.

Et si le cortex se fait la malle, le rationnel s’est aussi fait la malle et l’inhibition aussi. Du coup R.I.P les filtres, R.I.P l’analyse, R.I.P la prise de recul. On n’est plus en mesure de réfléchir et d’anticiper les conséquences de nos actions.

R.I.P aussi les mots : les plombs ont sauté dans la zone du langage. Il faut un reset mais ce n’est pas immédiat.

Vous voyez un peu mieux non ?

Vous revoyez la dernière crise de colère de Junior, il se roulait par terre dans le bac à sable parce qu’il ne voulait pas rentrer à la maison. Vous avez essayé de lui expliquer, de lui parler, de le faire parler et là gros blanc (ou plutôt sirène stridente à en déchirer les tympans). Genre il avait perdu ses mots et avait même du mal à respirer. Et bien Junior qui était en prise avec un grosse émotion, un tsunami, avait un cortex débranché. Les cerveaux limbique et reptilien étaient aux premières loges et c’est eux qui avaient pris les commandes et les ordres étaient de mettre en place des mécanismes pour se défendre, pour survivre. Un peu extrême non ? mais petit rappel le reptilien n’a pas évolué donc il reprend nos réflexes animaux pour survivre.

les 3 F pour notre survie

Les mécanismes de défense réflexes correspondant aux 3 F (en anglais) :

Fight - on attaque

Pour un humain cela peut prendre différentes formes. La plus évidente ? On frappe.

Mais la fameuse crise rentre aussi dans cette case. Lancer des objets que ce soit sur quelqu’un ou sur un mur, ou dire des injures c’est aussi dans ce F-là. On a besoin de décharger, d’expulser le stress hors de nous. 

Flight - on fuit

On fuit de manière physique : on fuit dans son lit, dans sa chambre, sous son bureau. Ca c’est la fuite évidente.

Numéro1 par exemple était (et est toujours d’ailleurs) anxieuse (anxiété de performance) et les devoirs étaient une véritable sinécure ;-) - Bref au moment de ces fameux devoirs, je la trouvais régulièrement recroquevillée sous son bureau en pleurs (mon coeur de maman saignait et je l’accompagnais du mieux que je pouvais).

Mais il y a d’autres manières de fuir : ne pas aller vers les autres par peur du rejet, fuir dans son imaginaire par exemple (vous savez quand vous partez loin dans votre tête pour couper avec la réalité), faire ce que j’appelle le zébulon, comme si on avait la bougeotte (pensez aux enfants qui se dandinent quand ils ont fait une bétise). Bouger permet de moins ressentir l’émotion, on est moins dans le présent.

Mais c’est aussi le refus de s’habiller le matin pour aller à l’école ou le fait de faire durer les préparatifs avant de partir, scroller sur son téléphone, trouver la fuite dans certaines substances... Cela permet d’échapper (en tous cas pour un temps) à une situation qui est désagréable pour nous (anxiété sociale, anxiété de séparation …). Haha je vous intéresse maintenant ? Ben oui quel parent n’a pas vécu ce moment où on voit le temps passer et notre enfant être au ralenti pour partir à l’école parce que nous on a Duboss qui nous attend et il faut déposer (larguer ?) notre enfant à l’école, prendre les transports pour aller au boulot (et ça peut être un ârcours du combattant) et être à l’heure pour le premier RDV de la matinée (et ce n’est pas forcément pour aller boire un café avec les collègues).

D’après la légende familiale, mon mari quand il était en maternelle enlevait systématiquement ses chaussures dans l’ascenseur car il n’avait pas du tout envie d’aller à l’école. Je n’ose pas imaginer la scène, ça me colle des sueurs froides !

Freeze - on se fige, fait le mort

Dans certaine situation, tout le monde quitte le navire. Il n’y a plus personne, juste un navire vide. On est comme désincarné. Cette réaction est moins courante que les deux autres, mais elle existe et c’est une véritable protection que notre cerveau nous offre là. C’est la souris qui ne bouge plus devant le chat, elle fait littéralement la morte, ce qui par ailleurs fait qu’elle a aussi moins mal quand le chat joue avec elle. Elle est anesthésiée.

En cas d’émotion très forte cela peut arriver.

Je l’ai vécu personnellement lors d’un trauma : on attend que ça se passe, on ne réagit plus, on n’habite plus dans notre corps. C’est impressionnant à vivre et à voir.

OK mais avec ça on fait quoi ?

On essaie de prendre du recul sur la situation. Votre enfant vit une émotion forte et ça part en live, on se rappelle que l’enfant n’est plus en mesure de réfléchir, de rationaliser ou d’entendre. Il ne sait plus ce qu’il faut faire.

Il a besoin de nous, ses parents ou les adultes. Parfois c’est juste le laisser là et être à proximité, pour le surveiller et le maintenir en sécurité. Parfois c’est le prendre dans ses bras sans rien dire.

Quand la tempête émotionnelle est trop forte, il faut attendre que cela passe avant de pouvoir faire ou dire quoi que ce soit. En pleine tempête l’enfant n’entendra rien, il n’est pas en mesure de le faire.

D’après vous pourquoi on fait des exercices anti-incendie régulièrement ? Parce que si on n’en faisait pas, le jour où il y a vraiment un incendie, ce serait la panique et la débandade. Donc on apprend les bons gestes avant quand nous sommes en capacité de raisonner pour que ça devienne un réflexe.

Pourquoi je vous dis ça ? C’est la même chose quand c’est la tempête émotionnelle, on n’est pas capable de raisonner, mais si on a appris à respirer ou des exercices pour chasser le stress, on sera en mesure d’anticiper les choses et de les faire avant que ce ne soit trop la tempête.

C’est ce que je fais au cabinet

J’apprends à mes clients à “déposer” leurs émotions quand ils arrivent, à savoir ce dont ils ont besoin. Parfois, on enchaîne sur des exercices de respiration ou de brain gym en fonction des situations qu’ils ont vécues. Comme ça si cela se reproduit, ils sont en mesure de refaire les exercices seuls quand ils en ont besoin. J’ai eu un petit client au cabinet qui strassait à l’école avant les contrôles. Et bien il refaisait certains exercices de respiration qu’on avait vus ensemble avant son contrôle pour diminuer son stress.

Je n’ai pas entièrement répondu au “pourquoi il fait ça ?” mais une des explications tient dans ce qui se passe dans le cerveau. C’est donc une réponse partielle qui je l’espère vous satisfera et vous fera voir les choses un peu différemment.

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J'accompagne les familles au bord de l’explosion à apprivoiser les émotions et à remettre de la joie dans leurs quotidiens pour reprendre les rênes de leurs vies

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