Comment un article d’Astrapi m’a fait expliquer l’effet Pygmalion à ma Numéro3 (10 ans) et bien d’autres choses

“Dis maman, tu sais que les filles de CM1 sont moins bonnes en maths que les garçons ?”

Et là gros bug de ma part avec un “WTF” qui hurle dans ma tête …

Je creuse pour savoir d’où ça vient et j’apprends qu’il y a un article dans son Astrapi chéri qui parle d’une étude qui a mesuré les résultats académiques et que les filles obtiennent de moins bons scores en maths et que c’est en partie parce qu’elles auraient entendu que les filles seraient moins matheuses.

Ma fille était choquée, parce que bien évidemment elle réfute la théorie que les filles sont moins bonnes en maths que les garçons (telle mère, telle filles).

L’article est juste là et il pose (selon moi) les bonnes questions. Merci d’ailleurs à Astrapi de m’avoir permis d’avoir une discussion hyper intéressante avec ma fille. D’habitude Astrapi est plutôt un gros pourvoyeur de blagues mais là j’ai pu abordé avec ma Numéro 3 des sujets comme l’effet Pygmalion, l’éducation genrée et la place des mathématiques.

Cet article pour enfants a ouvert la porte à de grandes discussions sur le trajet de l’école.

Tout est parti de sa question un peu innocente suite à la lecture de cet article dans son magazine (et comme vous pouvez le voir il n’est pas non plus très long mais il l’a marquée et l’a fait s’interroger). Ce qu’elle a d’abord retenu ? Les différences de perception et de traitement entre filles et garçons à l’école et les croyances limitantes que cela peut engendrer.

De fil en aiguille, notre discussion a couvert des thématiques cruciales : l’effet Pygmalion, la pression des stéréotypes de genre et, bien sûr, la place des mathématiques dans le parcours scolaire.

Ce moment de partage m’a rappelé à quel point les attentes sociales et les choix éducatifs peuvent influencer la trajectoire de nos enfants.

Mais ce sujet n’est pas qu’une simple conversation parent-enfant.

L’effet Pygmalion : ce que nous attendons devient réalité

L’effet Pygmalion, découvert par les psychologues Rosenthal et Jacobson, montre que les attentes d’un enseignant ou d’un parent influencent les performances des enfants (je lui ai d’ailleurs parlé de cette étude qui avait été faite).

Si un adulte croit qu’un élève est capable de réussir, ce dernier aura de meilleures chances de concrétiser ces attentes. Mais ce mécanisme fonctionne aussi dans l’autre sens : des attentes faibles peuvent freiner la progression d’un enfant.

En discutant avec ma fille, j’ai expliqué que cet effet est souvent invisible mais puissant. Un enseignant qui, consciemment ou non, pense qu’une fille (ou un autre élève d’ailleurs) est moins douée en mathématiques peut inconsciemment lui accorder moins d’attention, l’encourager moins ou lui poser des questions plus simples.

Les résultats de l’étude TIMSS 2023 sont un exemple frappant de ce phénomène. Selon cette enquête, les filles ont vu leurs résultats en mathématiques baisser de 12 points entre 2015 et 2024, tandis que les garçons ont progressé.

Cette baisse est particulièrement marquée dans le domaine des "nombres", un domaine clé pour les compétences futures.

J’ai lui ai aussi expliqué que cet effet intervenait aussi quand un enfant avait un TND (trouble neuro-développemental, DYS, TDAH, TSA pour ne citer qu’eux), par méconnaissance souvent. Ce n’est pas pour rien que quand un enfant a un TDAH la première porte d’intervention est la psychoéducation, mais je m’égare.

Toujours est-il que cet effet Pygmalion engendre des croyances qui peuvent être limitantes, les filles finissant par croire qu’elles sont moins bonnes en maths que les garçons (je parle des filles et des maths parce que c’est le sujet de l’article, mais j’en ai plein d’autres en réserve).

L’éducation genrée : des attentes différentes, des parcours divergents

La discussion avec ma fille a ensuite abordé un autre aspect : les stéréotypes de genre.

Dès leur plus jeune âge, les enfants sont exposés à des attentes différentes en fonction de leur genre. Les jouets, les vêtements et même les compliments qu’ils reçoivent varient : les filles sont souvent valorisées pour leur douceur et leur apparence, tandis que les garçons sont encouragés à être curieux et ambitieux.

Alors je vais mettre quand même un bémol, car je parle d’éducation mais je n’ai pas trouvé d’autres mots. Cette éducation peut être consciente ou inconsciente, elle vient des parents mais aussi de l’entourage et de la société d’une manière générale. Je ne suis pas pour ou contre l’éducation non genrée ou genrée, je trouve que c’est un débat stérile comme souvent en termes d’éducation. Je suis pour une éducation adaptative en fonction de la personne (enfant) qu’on a en face de nous, en tenant compte de ses besoins, ses envies, sa personnalité. Je suis définitivement pour ne pas enfermer quiconque dans une case. Et oui je sais c’est un vaste débat.

Mais bon, ces différences d’éducation ne sont pas anodines. Elles influencent les choix de matières scolaires et les orientations professionnelles.

En mathématiques ou en sciences d’une manière plus générale, par exemple, les filles sont souvent moins encouragées à persévérer face à la difficulté, ce qui renforce l’idée qu’elles ne sont "pas faites pour ça".

Le phénomène d’auto-censure des filles en sciences a été aggravé par la réforme du baccalauréat, qui avait supprimé les mathématiques comme matière obligatoire en classe de Seconde. Cette réforme a renforcé les inégalités, car de nombreuses filles ont choisi d’abandonner cette discipline à un moment critique. Heureusement (bon et là c’est mon avis mais perso j’adore les maths, résoudre des équations étaient mon kif ultime et j’ai intégré l’ESSEC en grande partie grâce à mes notes en maths), les mathématiques seront réintroduites à partir de la Première dès la rentrée prochaine, ce qui pourrait atténuer ces effets.

La réforme du bac : un impact indirect sur les filles en sciences

Le choix de retirer les mathématiques du tronc commun en Seconde avait de bonnes intentions : diversifier les parcours et alléger la pression sur les élèves.

Mais cette décision a eu des effets inattendus. Selon l’étude TIMSS, le désinvestissement des filles en mathématiques commence dès le primaire, mais il est amplifié au moment du lycée.

En l’absence d’un cadre obligatoire, beaucoup de filles se sont détournées des sciences, réduisant leurs chances d’accéder plus tard aux filières scientifiques.

La réintroduction des mathématiques est un pas dans la bonne direction, mais cela ne suffira pas à corriger les inégalités.

Il est essentiel de veiller à ce que les stéréotypes ne biaisent pas les choix des élèves, garçons ou filles.

Que peut-on faire ?

En tant que parents ou simplement adultes entourant des enfants, nous avons un rôle clé à jouer pour contrer les effets des stéréotypes et de l’effet Pygmalion.

Voici quelques pistes :

  1. Valoriser l’effort et la persévérance : Il est important de féliciter les enfants pour leurs efforts et leurs progrès, pas seulement pour leurs résultats.

  2. Lutter contre les stéréotypes au quotidien : Les petites phrases comme “les garçons sont meilleurs en maths” ou “les filles sont naturellement créatives” peuvent avoir un impact énorme. Je ne parle même pas des petites phrases comme les compliments sur la force ou la vitalité chez un garçon et la grâce ou la beauté pour les filles (bien sûr on peut en faire, mais on peut aussi valoriser d’autres pans de leurs personnalités comme leur sensibilité, la créativité, leur intelligence, leur force de caractère … indifféremment pour les filles ou les garçons) ou de phrases comme “tu ne devrais plus pleurer maintenant, tu n’es plus un bébé” (depuis quand pleurer est-il interdit au plus de 10 ans ?). Soyons vigilants à ces petites phrases qu’on dit de manière automatique.

  3. Encourager la curiosité dans tous les domaines : Laissez les filles explorer les sciences, la technologie et les mathématiques autant que les garçons, et les garçons explorer des matières plus littéraires et créatives, sans jugement.

  4. Sensibiliser et combattre les biais inconscients, autant que possible. Je ne sais pas pour vous, mais quand il m’arrive d’y plonger, mes enfants me rappellent à l’ordre gentiment (parce que bien sûr il m’arrive de faire des boulettes … oups).

La conclusion ? Un simple article m’a donné l’occasion d’avoir une belle discussion avec ma fille, de lui parler de certains sujets qui me tiennent à coeur, de lui transmettre aussi quelques valeurs et juste de partager mon point de vue avec elle.

L’effet Pygmalion nous rappelle qu’il suffit parfois de croire en un enfant pour transformer son avenir.

Au-delà de ça, ce dialogue avec ma fille a été un moment de réflexion sur notre rôle d’adultes.

Nous avons le pouvoir d’orienter la société vers un modèle plus juste, chacun à notre échelle, où les filles et les garçons peuvent suivre leurs passions sans être freinés par les attentes des autres. Il n’y a pas besoin de faire de grandes réformes ou d’être un homme ou une femme politique pour le faire : nous avons chacun notre part à faire, et parfois cette part ce sont juste de petites choses mais qui peuvent faire une différence. Croire en eux, c’est déjà leur donner les clés de leur avenir.

Et vous ? Avez-vous remarqué des différences dans la façon dont les enfants autour de vous sont encouragés ?

Partagez vos expériences et réflexions en commentaire !

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