Comment aider votre enfant à gérer la colère
La colère est une émotion universelle, et pourtant ce n’est pas toujours bien vu d’être en colère.
La colère est une émotion particulièrement difficile à gérer pour les enfants pour tout un tas de raisons, l’une d’entre elles étant que le cerveau n’est pas mature.
Pour les parents, ces crises peuvent créer un stress important, perturbant l’harmonie familiale. En tant que parent, on peut se sentir désarmé.e face à cette colère, désemparé.e parce que franchement on ne comprend pas d’où elle vient et on comprend encore moins pourquoi elle est aussi virulente, on peut aussi se sentir attaqué.e et du coup on réagit de manière plu sou moins adéquate, ou alors on sent peser les regards et les jugements quand la crise se fait en dehors de la maison et ce poids brouille nos réactions. Bref, quand vient la colère de notre enfant, on ne sait plus quoi faire malgré tout ce qu’on a pu lire / entendre … mais en fait il n’y a pas de manière unique de gérer ces crises, même si certains principes pourraient être des socles.
Je vais faire une analogie vous disposez des mêmes ingrédients que votre voisin.e et pourtant avec ces mêmes ingrédients vous allez faire 2 recettes différentes qui conviendront à chacune de votre famille.
Il y a des ingrédients de base, les ingrédients qu’il faut toujours avoir dans le placard et puis il y a les autres, ceux qui vous sont propres, ceux que vous aimez, votre petit “plus”. Et puis il y a la manière d’agencer les ingrédients, pour en faire un plat unique. Et même si vous suivez la même recette, le rendu ne sera pas forcément le même et peut-être aurez-vous envie de la personnaliser pour que cela corresponde aux goûts de votre famille.
Pour la parentalité, c’est un peu la même chose : il y a les préceptes de base, puis il y a votre manière de faire, vos valeurs, ce que vous voulez transmettre. Bref il n’y a pas qu’une seule recette à appliquer.
Pourquoi ce laïus ? parce que même pour la gestion de la colère de votre enfant, il n’y a pas qu’une seule réponse. Oui il y a des choses à savoir, quelques trucs à appliquer no matter what mais je serai bien incapable de vous dire quoi faire exactement pour toutes les crises de colère de votre enfant.
Cela dit, cet article examine différentes phases de la colère chez les enfants et propose des pistes adaptées à chaque niveau d'intensité, inspirées par des méthodes de gestion émotionnelle.
En appliquant des stratégies appropriées, les parents peuvent aider leurs enfants à canaliser leur colère de manière constructive et à instaurer un climat plus serein à la maison.
Mais ce qui aidera aussi les enfants à gérer leurs émotions, c’est que les parents apprennent aussi à gérer leurs émotions.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos colères.
Pourquoi les enfants ont-ils du mal à gérer leur colère ?
Pour comprendre pourquoi les enfants ont du mal à contrôler leurs émotions, il faut faire un petit détour par le cerveau.
Il faut savoir que leur cerveau, et en particulier le cortex préfrontal, est en pleine maturation.
Cette région du cerveau est responsable de la régulation des émotions et des fonctions exécutives (comme l'inhibition des impulsions et la planification des réactions) et ne sera pleinement développée qu'à l'âge adulte
si vous voulez en savoir plus vous pouvez lire cet article : Harvard Center on Developing Child
Si je devais faire une analogie, je dirais que les enfants n'ont pas encore de "tour de contrôle" cérébrale pour gérer les "avions émotionnels" comme la colère ou la frustration. Lorsque les émotions prennent le dessus, ils ne peuvent souvent pas les canaliser et réagissent de manière impulsive.
En cas de surcharge émotionnelle, l’enfant n’a donc aucun moyen à sa disposition pour gérer sa colère. Il a besoin de décharger et du coup explose.
Il ne faut pas oublier non plus que les enfants sont en phase d’apprentissage émotionnel et manquent souvent de vocabulaire ou de techniques pour exprimer ce qu’ils ressentent. D’ailleurs, il est prouvé que plus on a de mots pour parler de ses émotions et de ses ressentis mieux on réussi à gérer ses émotions.
La colère peut vite se transformer en crise, surtout lorsqu’ils se sentent incompris (et on se sent incompris quand on ne se sent pas écouté, ou quand on minimise voire nie les émotions qui nous traverse) ou submergés. Et quand on y réfléchit à tête reposée, c’est tout pareil chez nous adulte. La seule différence ? c’est qu’on a plus de mots pour exprimer ce que l’on ressent, que l’on arrive à inhiber certains comportements ou à prendre du recul (c’est le job du cortex) …
L’objectif est donc de les aider à identifier leurs émotions et de leur apprendre des moyens efficaces pour les gérer.
Les niveaux de la colère chez l’enfant et comment y répondre
Bien sûr chaque enfant est différent et chaque colère est différente.
Mais il est possible de catégoriser les crises de colère, de la plus occasionnelle à la plus intense. Cela pourra vous aider de voir dans quelle catégorie se trouvent les crises de votre enfant car vous ne réagirez et n’interviendrez pas de la même manière. En plus en fonction des enfants et de la situation, vous devrez vous adapter … être parent c’est aussi être un contorsionniste de compétition !
1. Colère occasionnelle : Des crises rares mais intenses
Même si ces épisodes ne se produisent que quelques fois par mois, ils peuvent être tout aussi déstabilisants pour l’enfant que pour le parent.
Elles sont souvent une réaction à une frustration ponctuelle.
Il est donc important de traiter ces crises dès le début pour éviter une escalade émotionnelle.
Une clé : la prévention émotionnelle. L’enfant apprend à identifier ce qu’il ressent et à verbaliser ses émotions avant qu’elles ne s’accumulent.
La prévention passe par l’enseignement de la régulation émotionnelle, avec des techniques simples comme la respiration profonde, la sophrologie ou la pleine conscience. Ces techniques s’apprennent quand l’enfant est calme pour les acquérir, les intégrer et pour que cela devienne un réflexe.
L’autre jour j’ai assisté au cours de Krav-Maga de Numéro3 et le professeur expliquait pourquoi il s’entraînait et faisait autant de répétition. Il expliquait très bien aux enfants que quand on est sous le coup d’une émotion on n’arrive plus à réfléchir et qu’avoir pratiqué à froid les mouvements permet de les refaire le jour où on en a besoin. C’est la même chose avec la régulation émotionnelle : on le fait à froid quand on n’en a pas vraiment besoin pour être capable de l’utiliser quand on en a besoin.
Vous pouvez aussi encourager votre enfant à verbaliser ses sentiments lorsqu'il commence à se sentir frustré. Cela lui donnera un outil pour exprimer sa colère sans exploser.
La pause avant l’escalade, un élément essentiel (pour votre enfant et vous)
Proposez une pause lorsque la tension monte (il y a des signes avant coureurs qui montrent que le volcan entre en phase d’éruption, il faut les surveiller et les décoder).
Pour aider votre enfant, guidez le dans sa pause, surtout s’il est petit. Prenez une grande respiration ensemble, en invitant l’enfant à partager ce qu’il ressent, et si les mots font défaut, dites lui de dessiner / gribouiller ce qu’il ressent (il peut avoir besoin de plusieurs feuilles et quand il a rempli sa feuille il la déchire ou la jette et vous lui demander s’il a encore besoin de dessiner sa colère, il saura très bien vous dire s’il en a encore besoin). En posant des mots sur ses émotions (et pour cela vous pouvez l’aider en disant ce que vous observez), il peut les comprendre et les exprimer autrement qu’à travers une crise. Cette approche calme l’esprit et favorise la prise de conscience des émotions.
2. Colère fréquente : Des crises plusieurs fois par semaine
Lorsque la colère devient plus fréquente, la dynamique familiale peut être affectée, rendant l’atmosphère tendue.
Les parents peuvent alors commencer à craindre le prochain épisode de colère de leur enfant et ça peut devenir compliqué parce que du coup on stresse et nos enfants le ressentent.
L’intervention proactive avec renforcement positif
Quand on commence à rentrer dans cette dynamique particulière, mieux vaut se concentrer sur le beau et le bon que sur le reste. Qu’est-ce que je veux dire avec cela ?
Plutôt que de se concentrer sur les crises elles-mêmes, mettez en avant les moments où l’enfant a su garder son calme.
Cela renforce sa confiance en ses capacités de maîtrise de soi et réduit la fréquence des crises.
En valorisant les bons comportements, vous aidez votre enfant à renforcer sa capacité de maîtrise émotionnelle (et sa confiance en lui) et cela vous aide aussi à moins stresser et angoisser à l’idée de la prochaine crise.
Le but n’est pas de punir la colère ni de la brimer (la colère est saine, normale et est utile, c’est plus la manière de l’exprimer qui pose problème ainsi que la quantité de crises), mais de souligner et d’encourager les moments de calme.
J’évoque souvent ce point mes clients dont les enfants ont un TDAH.
Un exemple pour les félicitations et renforcement positif
Si votre enfant parvient à gérer une situation frustrante sans éclater, prenez le temps de le féliciter.
Un compliment comme « Je suis fier de toi pour avoir gardé ton calme » renforce l’importance de la maîtrise de soi et incite l’enfant à adopter ce comportement. Souligner davantage ce qu’il fait de bien et ses efforts incitera votre enfant à reproduire ce comportement.
3. Colère quotidienne : Des crises de colère chaque jour
Quand la colère devient une constante quotidienne, elle peut s’ancrer dans la routine familiale, rendant les parents anxieux et frustrés (et épuisés).
Il est crucial de mettre en place des rituels de calme qui permettent à l’enfant de mieux se réguler. Il est important de prendre le taureau par les cornes et de faire quelque chose car cela devient vite épuisant. Toute la famille en pâtit et l’ambiance familiale s’en ressent, sans compter que cela vous frustre et vous épuise. Et si vous êtes épuisé.e, vous serez encore plus réactif.ve à ces situations explosives. Bref le serpent se mord la queue et il vous faut sortir de cette situation d’urgence avant que cela ne s’envenime.
Et sans surprise quand on a un enfant TDAH on est clairement dans cette catégorie (ou les suivantes).
La clé : l’accompagnement émotionnel
Pourquoi c’est une clé ? l’accompagnement émotionnel va consister à guider et montrer à votre enfant comment gérer sa colère et surtout à reconnaître le pourquoi de sa colère et les signes avant-coureurs.
Peut-être y a-t-il un moment ou une situation qui déclenche la crise (et qui ne sont que le déclencheur, pas forcément la raison profonde).
La colère c’est un peu comme les icebergs, il y a ce qui dépasse et que l’on voit et il y a la face immergée que l’on ne voit pas, qui est bien cachée et qui regorge de raisons.
Aider votre enfant à reconnaître les situations qui déclenchent sa colère sera la première étape.
Et introduisez des pratiques apaisantes comme des jeux calmes, des sessions pendant lesquelles l’enfant décharge physiquement (course, danse, jeux au parc …) ou des sessions de méditation.
Je pense particulièrement à la situation des retrouvailles (après l’école, le soir) qui peut être explosive pour des tas de raisons. L’enfant s’est contenu toute la journée à l’école, a dû rester assis toute la journée ou presque, a dû faire des activités en collectivité, il y a eu du bruit, beaucoup de lumières, beaucoup d’émotions contenues aussi … bref quand vient le soir et que vous êtes là (sa figure d’attachement) il a besoin d’exploser pour que le stress de la journée revienne à la normale. Dans ces cas-là il est important de donner à l’enfant des outils pour mieux réguler ses émotions et surtout de l’aider à comprendre et reconnaître ses émotions.
Créer une routine de relaxation par exemple
Intégrez des activités relaxantes dans sa journée, comme le coloriage ou une courte méditation.Ces moments calmes aident l’enfant à se ressourcer et à gérer ses émotions de façon plus régulière et apaisée, en lui montrant qu’il est possible de reprendre le contrôle. Ces activités permettent à l’enfant de se recentrer, et lui montrent que la relaxation peut faire partie de la vie quotidienne.
Bien sûr un accompagnement sophro peut vous aider, n’hésitez pas à me contacter pour en parler.
4. Colère intense : Crises multiples par jour
Quand un enfant se met en colère plusieurs fois par jour, il entre dans une “zone de danger”.
À ce niveau, il est essentiel de prendre des mesures immédiates pour éviter que la colère ne devienne une habitude de réponse par défaut, une sorte de contrat relationnel et de mode de communication par défaut entre vous et lui.
Et surtout réfléchissez en termes de bénéfices pour lui (le bénéfice n’étant pas forcément positif). C’est peut-être une manière de s’exprimer, de se faire entendre ou d’attirer l’attention.
Pour ce cas de figure, mieux vaut s’adresser à un professionnel pour vous accompagner. Mais en attendant voici 2 idées pour alléger un peu les tensions.
Restructuration comportementale
Créez un environnement sécurisé avec des routines claires, des limites bien définies, et un espace où l’enfant peut aller se calmer de lui-même. La restructuration comportementale vise à mettre en place des actions immédiates pour calmer l’enfant, tout en intégrant des stratégies de gestion à long terme.
Mettre en place un coin de calme
Aménagez un coin de calme, avec des objets apaisants comme des livres, des coussins, des plaids ou des peluches.
Encouragez votre enfant à utiliser cet espace quand il sent que sa colère monte (et non ce n’est pas le mettre au coin, c’est l’aider à se recentrer en l’accompagnant et à apprendre des techniques de retour au calme). Après la crise (quand elle est bien passée et que tout le monde est disponible pour cette discussion), discutez calmement de ce qui l’a perturbé et des moyens d’éviter la prochaine crise.
Cela l’encourage à utiliser cet espace lorsqu’il sent sa colère monter.
5. Colère extrême : Crises 10 fois par jour ou plus
Quand la colère devient omniprésente, l’enfant et la famille peuvent se retrouver épuisés, émotionnellement et physiquement. À ce niveau, il est nécessaire de recourir à une aide professionnelle pour instaurer un changement durable et restaurer l’harmonie au sein de la famille.
Une intervention professionnelle permet à l’enfant de mieux comprendre ses émotions et de développer des compétences pour les gérer.
Un thérapeute aide l’enfant à identifier ses déclencheurs et à adopter des comportements de régulation émotionnelle sains.
Il pourra instaurer des routines de gestion de la colère et créer un cadre sécurisé pour toute la famille.
La thérapie peut également offrir aux parents des techniques adaptées pour soutenir leur enfant.
Les crises de colère chez les enfants sont un défi, mais elles ne sont pas insurmontables.
En adoptant des stratégies adaptées à chaque intensité de crise, vous pouvez aider votre enfant à gérer ses émotions et restaurer un climat familial plus serein.
La gestion des colères n'est pas seulement une affaire d'enfants : c'est un effort collectif où chaque membre de la famille peut jouer un rôle, et parfois, l'accompagnement d'un professionnel peut faire toute la différence.
Alors, on en parle ensemble ?