Stéphane Lhuillier, Hiccopampe - Coaching for Family - Paris 5

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Et si on utilisait la théorie des cuillères pour mieux comprendre et gérer sa parentalité ?

La parentalité est une aventure merveilleuse, mais on ne va pas se mentir, cette aventure peut aussi être physiquement et émotionnellement épuisante.

Chaque jour, les parents doivent jongler entre des responsabilités multiples : s’occuper des enfants, gérer la maison, travailler, et parfois même s’accorder un peu de temps pour eux (entre autres choses).

Chacune de ses tâches nécessitent des ressources et est énergivore … sauf que de l’énergie on n’en a pas à foison.

Alors comment répartir cette énergie (limitée) de manière intelligente ?

C’est là qu’intervient la “théorie des cuillères”.

La "théorie des cuillères" a été créée par Christine Miserandino pour expliquer la gestion de l’énergie chez les personnes atteintes de maladies chroniques.

Et cette théorie peut aussi s’appliquer à la vie de tous les jours des parents.

Qu’est-ce que la théorie des cuillères ?

Christine Miserandino a introduit cette théorie à travers un exemple simple : imaginez que chaque cuillère à disposition représente une unité d’énergie que vous pouvez utiliser dans votre journée.

L’origine de la théorie des cuillères

Christine Miserandino, blogueuse luttant contre le Lupus, connaît les défis des maladies chroniques. En 2003, elle a écrit un essai, la Théorie des Cuillères, pour expliquer la réalité quotidienne des personnes atteintes de maladies ou de handicaps.

Pour ceux qui ne vivent pas ces expériences, il est difficile de comprendre leur réalité, souvent réduite à la prise de médicaments et les suivis par des professionnels (médicaux ou paramédicaux), la partie émergée de l’iceberg.

Mais comme pour l’iceberg, il y a une partie immergée et invisible. La partie invisible de cette réalité, qui implique de vivre au quotidien avec une maladie ou un handicap et de gérer l’énergie que cela exige, demeure bien plus complexe à appréhender.

C’est précisément cette lacune dans la compréhension qui a donné naissance à la théorie des cuillères.

La théorie des cuillères selon Christine Miserandino

Dans cette théorie, l'auteure dit que les personnes souffrant d’une maladie chronique ou porteuse d’un handicap ont moins d'énergie que les autres. Elle compare cette énergie à des cuillères qu'elles doivent dépenser chaque jour.

C'est comme un jeu vidéo où le héros a un nombre limité de vies.

Pour une personne en bonne santé, une journée peut sembler simple : « Je me lève et je vais travailler ».

Mais pour quelqu'un de malade ou porteur de handicap, ces mêmes gestes demandent plus d'efforts et d'énergie. Cela lui coûte plusieurs cuillères qu’elle ne pourra pas utiliser plus tard.

Par exemple, si Christine a 12 cuillères au lever, elle en dépense une pour se faire à manger, une autre pour la douche, et une pour s'habiller. Elle doit aussi considérer le transport au travail, qui lui coûte aussi de l'énergie. En fin de journée, il lui reste peu voire plus de cuillères pour des actions qui semblent normales.

De la nécessité de faire des choix (et de prioriser)

Comme on a une quantité limitée de cuillères, il faut stratégiser.

Comment utiliser ses cuillères ?

Comment dépenser son énergie ?

La plupart des gens n'ont pas à y penser, mais pour les « Spoonies » (personnes malades ou porteuses de handicap), chaque jour dépend de leurs choix. Ils doivent gérer leur énergie, symbolisée par des cuillères, pour ne pas finir épuisés.

L'énergie varie d'un jour à l'autre, influencée par leur santé et/ou fatigue.

Par exemple, une personne qui se réveille malade ou qui a mal dépensé son énergie le jour précédent aura moins de cuillères dès le matin.

Cela les force à faire des choix, comme aller faire des courses ou se promener, faire le ménage ou cuisiner, passer du temps avec des amis ou non. C'est une charge mentale immense qui nécessite une bonne organisation.

La gestion de l’énergie au quotidien avec la Spoon theory

Maintenant que la théorie est expliquée, je vais montrer comment quand on est parent on peut aussi avoir un nombre de cuillères limité à dépenser dans la journée. Je trouve que cette théorie est assez parlante et permet d’expliquer facilement que notre énergie quotidienne n’est pas un puits sans fond (ni qu’elle est constante d’une journée sur l’autre).
Chaque activité, même la plus banale, consomme une ou plusieurs de ces cuillères.

Se lever, préparer le petit-déjeuner, amener les enfants à l’école, travailler, surveiller les devoirs, assister à une réunion… toutes les tâches qu’on gère dans la journée peuvent être comptabilisées en unité de cuillère.

Toutes ces petites choses finissent par grignoter vos ressources.

Pour les personnes vivant avec un handicap invisible ou une maladie chronique, les cuillères s’épuisent souvent plus vite.

Mais cette métaphore s’applique tout aussi bien aux parents, dont l’énergie est constamment sollicitée (et encore plus aux parents qui ont des enfants porteurs de handicaps visibles ou invisibles et/ou une maladie chronique, et je le dis en connaissance de cause : mes enfants sont porteurs de TND - DYS, TDAH - et la dernière cumule en plus diabète de type 1 et maladie coeliaque).

La parentalité : une gestion quotidienne de "cuillères"

Et je ne parle pas de “une cuillère pour papa”, “une cuillère pour maman”, “une cuillère pour tata” … pour faire ouvrir la bouche à votre enfant. Même si on gère aussi ces cuillères-là. Non je parle de votre niveau d’énergie exprimé dans cette unité qu’est la cuillère.

En tant que parent, vous êtes confronté à une réalité simple : votre réserve de cuillères n’est pas infinie.

Chaque fois que vous vous levez la nuit pour consoler votre enfant, préparez un repas ou gérez un conflit, vous consommez une partie de votre stock de cuillères de la journée, aka votre énergie ô combien précieuse.

A la fin de la journée, la balance de cuillères peut être déficitaire …

Les signes d’un déficit de cuillères peuvent se manifester par une fatigue accrue, de l’irritabilité ou un sentiment de surcharge mentale (pour des astuces pour diminuer la charge mentale, lisez cet article).

Comprendre cette dynamique peut vous aider à mieux anticiper vos besoins et ceux de votre famille.

Conseils pratiques pour les parents pour mieux gérer ses cuillères

Une fois qu’on a estimé son niveau de cuillère en se levant, on va réfléchir à notre journée et aux tâches qu’on doit faire … et à stratégiser.

Pour cela il y a quelques incontournables :

première étape : la priorisation des tâches

Toutes les tâches ne se valent pas en termes d’importance ou de consommation d’énergie.

Apprenez à distinguer les priorités et à dire non aux choses secondaires.

Peut-être que ce n’est pas grave si le ménage n’est pas fait aujourd’hui, tant que vous avez pu consacrer du temps à vos enfants et à vous-même.

Pour cela vous pouvez utiliser différents techniques, notamment la matrice d’Eisenhower.

deuxième étape : demande de soutien

Il est important de se rappeler que demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais de sagesse. On n’est pas obligé.e de tout faire tout.e seul.e, parfois il faut savoir laisser tomber et parfois il faut savoir déléguer et admettre qu’on a besoin d’aide.

Impliquez votre partenaire, vos enfants (même s’ils sont petits), une copine, la voisine ou demandez un soutien extérieur si nécessaire.

Et en parallèle, on n’oublie pas de prendre du temps pour soi

Même une pause de cinq minutes peut recharger quelques cuillères (lisez cet article pour apprendre à recharger vos batteries).

Pratiquez une activité que vous aimez : lire un livre, méditer ou simplement profiter d’un moment de calme sans culpabilité. Et refaites le plein de cuillère ou en tous cas, récupérez-en de temps en temps pour tenir jusqu’à la fin de la journée. Parce quand on rentre à la maison et qu’on n’a plus que les cuillères qui se trouvent à la cuisine, c’est plus compliqué de gérer le tunnel du soir. Et même quand les enfants sont grands et autonomes, cela demande quelques cuillères même si au lieu d’être des cuillères à soupe ce ne sont plus que des cuillères à moka.

Enseigner aux enfants la notion de limites (et du coup nous on apprend comment poser nos limites)

Les enfants doivent comprendre que leurs parents ont des limites énergétiques (et des limites tout court).

Expliquez-leur qu’il est normal d’avoir besoin de repos et montrez-leur comment gérer leurs propres "cuillères".

Quelques exemples concrets d’application au quotidien pour mieux gérer ses cuillères :

  • Le matin : Plutôt que de courir dans tous les sens, prévoyez une routine simplifiée avec des tâches préparées la veille. (et on peut faire la même chose pour le soir, car finalement c’est grosso modo la même chose tous les matins et tous les soirs. En plus comme ce sera plus clair pour tout le monde, ce sera plus facile).

  • Les devoirs : Fractionnez les sessions pour éviter d’épuiser les cuillères de votre enfant et des vôtres. Pour cela, même avec des tout petits vous pouvez essayer (ou vous inspirer de) la méthode Pomodoro.

  • Les week-ends : Prévoyez des activités qui ne consomment pas toutes vos ressources. Une sortie au parc peut être plus simple à gérer qu’une journée entière de visites.

    Moi j’ai toujours admiré certaines de mes copines qui faisaient plein de trucs avec leurs enfants pendant les week-ends (grandes marches dans Paris, visite de musée, expo, …). Mais rien que d’y penser et d’essayer d’organiser la même chose cela me demandait des cuillères, sans compter qu’argumenter avec Numéro2 pour le faire sortir de la maison me demandait de nouvelles cuillères. Du coup j’ai revu mes prétentions à la baisse et les week-ends sont plus calmes sauf exception, et ça nous va bien.

La bienveillance envers soi-même

Appliquer la théorie des cuillères en parentalité, c’est aussi être bienveillant avec soi-même.

Cela signifie accepter que vous ne pouvez pas tout faire et qu’il est normal de se sentir fatigué.e. Il est essentiel de dédramatiser les moments de baisse d’énergie et de ne pas culpabiliser.

Apprendre à gérer ses cuillères, c’est mieux vivre sa parentalité.

La théorie des cuillères n’est pas seulement une métaphore, c’est un outil pratique pour mieux comprendre et gérer ses ressources énergétiques au quotidien.

En tant que parent, apprendre à préserver vos cuillères vous permettra non seulement de réduire la fatigue, mais aussi d’être pleinement présent pour vos enfants lorsque cela compte le plus.

Alors, comment gérez-vous vos cuillères aujourd’hui ?

Peut-être est-il temps de réévaluer vos priorités et de vous accorder la place que vous méritez.